Femmes du 10ème : Marie Desplechin, écrivaine, scénariste, journaliste et militante

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Vingt femmes ont été choisies pour représenter les différentes facettes de notre arrondissement par le biais de leur engagement et de leurs actions au quotidien. Focus sur Marie Desplechin, écrivaine, scénariste, journaliste et militante.

Je suis née à Roubaix, le 7 janvier 1959, dans une maison typique du Nord où l’on vivait en tribu, un peu entassés entre ma grande fratrie, ma famille élargie qui vivait à deux pas et les amis qui passaient dîner, saluer, boire un verre avec mes parents… Pour nous, Lille à 13 kilomètres de là, c’était déjà un autre monde. Nous n’y allions qu’en de grandes occasions.

Alors, lorsqu’à 18 ans je me suis retrouvée en classe préparatoire de lettres à Paris, au lycée Henri IV, ça a été le choc ! Choc social : la plupart étaient de vrais Parisiens, ils habitaient dans leurs familles, ils avaient des amis, ils savaient où boire des verres, comment s’habiller. Moi, je ne savais même pas qu’il fallait descendre à Cardinal-Lemoine pour aller en cours ! Pendant six mois, je suis descendue à Odéon… Je n’avais pas vraiment choisi d’aller en prépa, j’avais été inscrite par mes professeurs.

Choc spatial  : Paris était un territoire muet, incompréhensible. Les quartiers n’avaient pas de contours, pas d’esprit, je ne m’y repérais pas, toute promenade devenait une errance dépourvue de sens dans un monde hostile… La place de la République l’hiver, c’était Oulan Bator quand j’y débarquais parfois. Le pire était, venant du Nord où l’on se lie facilement à ses voisins, de ne rien comprendre à la sociabilité parisienne, distante, réservée.

Et je vivais au fin fond de Sèvres, chez une amie de mes parents, gentille, mais souvent absente. J’étais vraiment perdue. Je ne me suis jamais sentie aussi seule qu’à cet âge-là, et quand je pense à la jeune fille que j’étais alors, je ne regrette pas du tout ma jeunesse…

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Après la prépa, je passe presque par hasard le concours du Centre de formation des journalistes. Je le réussis et ma deuxième vie commence. L’ambiance de l’école favorise les liens entre les étudiants, j’ai enfin des amis. Je m’installe à Montreuil, nous vivons à plusieurs dans un grand appartement, et là, je commence à me sentir parisienne. Pourtant, de vieux profs un peu aigris ne me font pas toujours la vie facile : “Vous ne saurez jamais rédiger”, me dit l’un d’eux. Prédiction inoubliable et finalement déjouée. Après quelques détours, j’ai fini par écrire un peu de tout, des articles, des portraits, des livres et des scénarios…

J’ai 30 ans et deux enfants lorsque j’entreprends une psychanalyse et que je décide de larguer mon boulot dans la com’ aussi déprimant que bien payé. Reset total. Je m’installe rue d’Hauteville, dans un appartement dont le locataire en chef deviendra le père de mon troisième enfant et l’homme avec lequel je partage toujours ma vie.

“Au long des années, le 10ème va devenir ma ville, mon autre Roubaix…”

Je rencontre mes voisins grâce à l’école Martel où les enfants sont inscrits. Rien de mieux que les parents d’élèves pour s’intégrer. L’école accueille des enfants de 37 nationalités différentes. Elle est à l’image du quartier, où fourmillent encore les ateliers, où on entend parler toutes les langues dans la rue, où voisinent des gens venus au fil du temps de partout, avec leurs savoir-faire et leurs espoirs. Et puis, à proximité de la Gare du Nord, j’ai vite fait de rentrer dans ma région d’origine. Quand je me suis installée, le quartier était beaucoup plus pollué qu’aujourd’hui, les façades moins pimpantes. Le trafic de drogue était très présent, et on trouvait régulièrement des seringues dans les escaliers. Je ne peux pas regretter les particules de diesel et les dealers. Mais il m’arrive d’être déstabilisée par le changement de la population, aujourd’hui plus cossue, et de redouter son uniformisation.

Ce qui n’a pas changé, c’est le lien avec les habitants du quartier. Avec Mimi, la gardienne de l’immeuble, venue de Serbie et qui a longtemps travaillé dans la confection, nous bavardons interminablement dans la loge, devant un Ricoré (plus rarement un verre de slivovitz). Je n’ai aucune raison de quitter la rue d’Hauteville. J’y ai refait des racines, je me sens chez moi, j’y suis bien.

 

Retrouvez d’autres portraits ici : Les Femmes du 10ème

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