Vingt femmes ont été choisies pour représenter les différentes facettes de notre arrondissement par le biais de leur engagement et de leurs actions au quotidien. Focus sur Ernestine Ronai, Responsable de l’Observatoire des Violences envers les Femmes et membre du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (co-présidente de la commission Violences Faites aux Femmes).
Faire grandir les femmes et les hommes en humanité. C’est ce qui m’a toujours animée. Issue d’une famille d’ouvriers de culture juive, je grandis à Paris en jeune fille engagée et attentive aux autres, mais surtout allergique à toute forme de racisme et d’intolérance. Mes parents, juifs d’Europe centrale, avaient fui le nazisme.
Puis très tôt, au moment de la guerre d’Algérie, à 14 ans, j’adhère aux Jeunesses Communistes, plus exactement à l’Union des Jeunes Filles de France. Un engagement qui a mû toute mon adolescence et auquel je resterai fidèle toute ma vie avec ma sœur Henriette. Puis une autre lutte m’a appelée : celle de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Mon envie de transmettre, le goût d’apprendre et aussi le goût de l’égalité, d’aider les enfants à s’épanouir m’ont conduite à l’aube de mes 20 ans vers le métier d’institutrice, puis de directrice d’école et de psychologue de l’éducation. Parce que j’aime être là où l’on a besoin de moi et être à l’écoute des autres, je fais des choix qui m’amènent, à la fin des années 80, à devenir secrétaire nationale de l’association Femmes Solidaires (anciennement Union des Femmes Françaises) et rédactrice en chef de leur journal Clara Magazine en 1992.
De cette période, je garde en mémoire de belles rencontres avec, entre autres, Gisèle Halimi, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Geneviève Fraisse, et aussi de belles batailles pour la paix, pour l’égalité, la parité, la laïcité. Avec l’association Femmes Solidaires et Clara Magazine, nous avons mené de nombreuses campagnes internationales qui nous ont valu des succès tels que les libérations d’Aïcha Dadale à Djibouti, de Souha Bechara au Liban, de Leyla Zana (députée kurde emprisonnée en Turquie) ou encore de prisonnières palestiniennes.
Cette lutte prend une autre dimension en 2002 lorsque je fonde, à la demande du conseil général de Seine-Saint-Denis, le premier Observatoire des Violences envers les Femmes. Cette structure, devenue un modèle en France, forme de nombreux professionnel.le.s : Justice, Éducation nationale, services du département, Caf, associations… Surtout, elle expérimente des dispositifs qui, année après année, ont permis d’élaborer des solutions innovantes dédiées à l’accompagnement et à la prise en charge des femmes victimes de violences et leurs enfants : le Téléphone Grave Danger, l’ordonnance de protection, la mesure d’accompagnement protégé des enfants, la mise en place de l’Espace de Rencontre Protégé ou encore du dispositif d’hébergement Un toit Pour Elle …
À travers cet observatoire, nous œuvrons aussi pour faire bouger les lois et faire exploser les tabous (par exemple les mutilations sexuelles, le harcèlement de rue…). Ce combat, je l’ai mené par ailleurs comme coordinatrice nationale au sein de la Mission Interministérielle pour la Protection des Femmes Victimes de Violences entre 2013 et 2016 ; et je le continue au sein du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes depuis 2013 où je suis co-présidente de la commission Violences Faites aux Femmes.
Il y a encore beaucoup de chemin à faire, mais les femmes ont de tout temps lutté pour acquérir des droits et nous savons que pour faire changer les mentalités vers plus d’égalité, il faut éradiquer la violence en avançant pas à pas, ensemble et sans reculer. Et je conclurai avec Simone de Beauvoir qui disait « La fatalité ne triomphe que si l’on y croit ».
Retrouvez d’autres portraits ici : Les Femmes du 10ème