Je suis mélancolique, malgré le cerisier du Japon qui fleurit dans ma cour, car je constate que nous allons rater notre printemps. Reportées les virées dans les jardins publics, au milieu des enfants qui jouent, oubliés les apéros en terrasse entre copains, les balades le long du canal, les jours qui rallongent et les jupes qui raccourcissent… Les écharpes vont se confiner avec nous. Nous vivrons cela l’année prochaine.
En attendant, une nouvelle organisation prend le dessus, loin des polémiques sur les origines de cette saloperie – le pangolin semble avoir été innocenté – et sur qui a manqué de clairvoyance, de bon sens ou de réactivité. Cela, nous en reparlerons après la pandémie.
Aujourd’hui, au bout de trois semaines de confinement, ne soyons pas défaitistes et essayons de penser à ce qui se passera une fois terminé de nettoyer, de ranger les placards, de trier les vêtements, les livres, les clous de la boîte à outils… Cette parenthèse obligatoire devrait remettre bien des choses à plat, nous faire prendre conscience de l’essentiel, apprécier les moments simples, découvrir que solidarité et entraide ne sont pas de vains mots. L’utile, plutôt que le futile, deviendra peut-être notre nouvelle manière de réfléchir et partager.
Certes, dans la rue, les gens ne se parlent pas forcément plus (pas facile avec un masque sur la bouche pour ceux qui en ont trouvé !) mais ils se comprennent souvent d’un simple regard. Oui, nous sommes tous dans le même bateau. Mais nos sincères « Bon courage à vous » lancés aux livreurs, caissières, boulangers, éboueurs œuvrant dans le village, nos bravos au personnel soignant et hospitalier… ne devraient pas disparaître totalement, du moins espérons-le.
Ce long break est l’occasion d’envisager la vie différemment. Retrouver les fondamentaux, se (re)découvrir, partager autre chose avec ses enfants. Goûter de nouveaux produits, savourer chaque rencontre : rue du Faubourg Saint-Denis, les börek turcs au fromage ou aux épinards de l’Épicerie du Faubourg, l’humour fataliste d’un boucher halal devant son échoppe… Rue du Château d’Eau, le sourire du traiteur Manolis dans sa boutique nommée Kalimera (« Bonjour » en grec)… Aujourd’hui, en montant un morceau de gâteau à mon voisin de bientôt 97 ans, sans famille mais non sans humour, je découvre que ce monsieur que je croise et salue d’un simple « bonjour » depuis quinze ans a un prénom : Pierre ! Alors, soyons forts, courageux, prenons notre mal en patience, nous garderons de cette période beaucoup de choses positives….
Auteur : Vincent Vidal