Confinée chez toi, tu vois sur ton écran des jeunes Japonais en train de faire du shopping à Shibuya, à la suite de la fermeture de leur école. Tu te dis qu’ils prennent le Covid-19 à la légère alors que la situation est “grave”, comme l’a qualifiée la gouverneure de Tokyo. Tu voudrais leur demander de respecter les mesures sanitaires avant que la pandémie ne prenne de l’ampleur dans l’Archipel.
Tu appelles ta famille et tes amis. Et là, tu apprends que depuis plus d’un mois – alors que personne n’avait été testé positif dans leur région –, tes parents sont en auto-confinement. Ils portent un masque en permanence, bien sûr, et quand ils doivent sortir faire des courses, ils désinfectent tout ce qu’ils touchent. Cela dit, leur supermarché habituel est équipé de sprays désinfectants. Dans le même temps, les maisons de retraite et les foyers pour handicapés ont interdit toutes les visites. Dès le premier cas détecté dans la région, il y a quinze jours, ton frère a été mis au télétravail par son patron pendant une semaine, le temps que la boîte procède à une désinfection complète des locaux. Le week-end, il sort avec ses potes mais quand il va voir ses parents, il n’entre pas dans la maison, il leur parle depuis l’extérieur et il s’en va. L’entreprise locale pour laquelle travaille ton neveu oblige ses employés à prendre leur température tous les matins.
Finalement, tu les écoutes et tu réalises que tu as oublié quelque chose, comme une sorte de conscience collective de base. Un truc qui existe là-bas mais qui n’existe pas là où tu habites. Tu te rappelles que ce quelque chose que tu n’aimes pas en général, que tu détestes même, pourra se transformer en force s’il est appliqué de façon positive (“positif” n’est pas toujours négatif).
Toi-même, Japonaise transformée en quelque chose à la française, tu devrais faire gaffe, et prendre soin de toi et de tes proches.
Autrice : Ritsuko Koga
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