« L’alcool est un anesthésique qui permet de supporter l’opération de la vie » a écrit George Bernard Shaw. Et c’est bien pour cela que le gouvernement a très vite considéré les cavistes comme des commerces de première nécessité. Car, soyons réalistes, cette longue période de confinement commence à offrir aux tristes buveurs de sodas de nouvelles visions liquides plus propices à calmer le blues et à remonter le moral que l’Orangina. Boire pour oublier, dit-on. De quoi nous faire rapidement passer pour des enfants du capitaine Haddock. Mais attention, dans nos verres, pas de trace de Loch Lomond, ce sont désormais les rosés qui priment et avec eux un air de vacances d’été qui pointe son nez. Si Intermarché ou Franprix vendent du vin (idéal pour se donner bonne conscience en y achetant aussi pâtes et papier hygiénique), les cavistes, eux, nous apportent en plus la connaissance des terres et des cépages, et surtout le contact et l’humanité dont nous avons besoin. En cela il est dommage que beaucoup aient dû ou voulu fermer leur échoppe.
Rue du Château d’Eau (un nom décidément peu adapté !), ceux qui ne pratiquent pas de restauration sont présents pour nous maintenir à flot. Certains allant même jusqu’à proposer, gratuitement, sur place et sans modération, la consommation d’un autre liquide : un étrange gel hydro… alcoolique ! Un comble. Outre Nicolas, au n°1 de la rue, et l’Épicerie Fine (au n°37) – qui, comme son nom l’indique, commercialise d’autres produits –, vous trouverez Cultures Caves (au 29 ter, www.facebook.com/culturescaves), avec un chaleureux message d’encouragement écrit par Ganit Hirschberg sur le tableau extérieur. Merci à elle.
Dans les autres rues du village, les boutiques Julhès exposent leurs vins et alcools, idem pour Romain de la Cave Chabrol, (63, rue de Chabrol / 01 53 34 82 73) ou encore les Caves Bardou, fondées en 1907 (124, rue du Faubourg Saint-Denis / 01 40 34 31 83) pour ne citer qu’eux. Et puisque le vin est à l’honneur de cette chronique, impossible de ne pas avoir une pensée pour Laurent Bouvet, caviste et fromager du marché Saint-Martin, fermé comme l’ensemble du marché, et pour Christophe Fertillet, magique caviste-boulanger-restaurateur, également fermé (Levain le vin, 83, rue du Faubourg Saint-Martin, Facebook.com/Levain-Le-Vin).
Enfin, si vous n’avez pas l’envie ou la possibilité de sortir, rien n’est perdu. Benjamin Gutmann, viticulteur, gérant du Château Jouvente et habitant rue Beaurepaire – lorsqu’il n’est pas dans le Bordelais – se propose de venir jusqu’à vous bouteilles à la main. Masqué comme Zorro, il livre actuellement à vélo (Tornado est confiné à l’écurie) sur l’ensemble du 10e (06 72 31 45 81 / www.chateau-jouvente.fr). Ses vins sont par ailleurs disponibles chez Ganit ainsi que chez Dominique à la Crèmerie (41, rue de Lancry, instagram : la_cremerie_lancry). Les livraisons à vélo, c’est ce qu’offre habituellement Vincent Baverel, caviste à la tête de Let-it-BIB (let-it-bib.fr). Cette entreprise commercialise uniquement des vins naturels, bios et biodynamiques en cubis de 3 ou 5 litres. Situé rue Alexandre Parodi mais confiné en Franche-Comté, Vincent a dû provisoirement troquer son deux-roues contre les services de Chronopost.
Merci donc à ces professionnels qui nous permettent d’arroser d’un peu de piquant nos apéros virtuels sur Zoom ou sur Skype ; de saluer nos voisins, un verre à la main, ou de trinquer (à un mètre de distance et en retirant son masque avant de boire !) avec d’autres dans les cours privatives. L’occasion également, chaque soir à 20h00, de lever notre verre au personnel soignant, à ceux qui nous manquent, aux jours meilleurs ainsi qu’à Pierre Dac qui aurait parfaitement analysé la situation : « Il vaut mieux boire et rigoler que pas boire et s’embêter ! » mais toujours avec modération.
Auteur : Vincent Vidal
Pour en savoir plus : le site des cavistes indépendants cavistes.org
Les illustrations ont été réalisées par Florence Mahon de Monaghan, alias OLF, pour la campagne de Jouvente pendant le confinement, intitulée “Jouventhérapie”.