Vingt femmes ont été choisies pour représenter les différentes facettes de notre arrondissement par le biais de leur engagement et de leurs actions au quotidien. Focus sur Ritsuko Koga, Rédactrice au magazine Zoom Japon et Responsable du café restaurant Espace Japon.
Je suis née à Gifu, dans le centre du Japon, et j’ai grandi dans une ville située au nord-est de Tokyo. Mais depuis toute petite, je me suis nourrie d’« ailleurs » en choisissant de lire, par exemple, des contes occidentaux. J’étais une enfant rebelle. En compagnie de mon grand frère handicapé, j’ai compris très tôt que la discrimination pèse sur la vie d’une personne. Ma mère a participé à la création d’un centre d’accueil local pour jeunes handicapés et j’y ai passé une grande partie de mon enfance. Cela m’a sensibilisée à la notion de diversité et à l’importance des « lieux de partage ».
Mon premier souvenir de la France remonte à l’âge de 8 ans lorsque, dans une émission à la télé, j’ai découvert le tableau Les Glaneuses de Jean-François Millet qui mettait la lumière sur des gens démunis. Se pourrait-il que l’art puisse changer la conscience du monde ? Ce fut un déclic : je voulais devenir artiste ! À 18 ans, j’ai été admise à l’université d’art à Tokyo. Au bout de six mois, je me suis dit qu’il fallait bouger et je me suis envolée pour Paris, seule et sans parler un mot de français. J’y suis restée trois ans avant de retourner dans l’Archipel où j’ai vécu de petits boulots tout en faisant des allers-retours pendant dix ans pour exercer mes activités artistiques dans les deux pays.
C’est en 2003 que j’ai décidé de « vivre » en France et de reprendre mes études d’art à l’université Paris I, qui m’ont apporté une révélation : l’argumentation valorise l’œuvre. Ce fut le deuxième déclic : je devais maîtriser cette langue pour aller plus loin ! Cela fait neuf ans que je travaille chez Ilyfunet. Cette société publie le journal japonais OVNI depuis quarante ans. Elle a créé l’Espace Japon, un centre dédié à la culture japonaise, avec des ateliers, des cours de langues, des expositions et une bibliothèque, qui s’est installé dans le 10ème en 2008.
J’y ai débuté comme responsable de la programmation culturelle, et depuis six ans j’occupe un poste de rédactrice au sein de Zoom Japon, mensuel gratuit en français lancé en 2010 et désormais édité en quatre langues en Europe. Parallèlement, j’ai proposé d’ouvrir un café dans nos locaux car il manquait un accueil. J’ai redessiné l’espace en pensant à un comptoir de bar, comme celui derrière lequel j’avais travaillé pendant ma période étudiante. C’est là où j’ai appris les codes parisiens.
“J’aime accueillir des gens et deviner leurs envies, puis y répondre.”
Notre café restaurant est ouvert depuis septembre. J’y prépare la cuisine en suivant la philosophie que ma mère m’a transmise : ishokudôgen, littéralement “tout aliment est une forme de médecine”, ce qui est difficile à obtenir à Paris. Je confectionne des plats quotidiens de ”maman” que l’on peut déguster sans culpabilité. Ils sont riches en umami (うまみ) grâce notamment aux algues kombu. On dit que les Français ne perçoivent pas facilement cette cinquième saveur de base. Mais si nos clients apprécient notre cuisine, cela veut dire qu’ils l’ont découverte ! Voilà pourquoi ce lieu porte le nom MEDIACAFE : les saveurs font partie des informations dont je souhaite partager l’accès.
Retrouvez d’autres portraits ici : Les Femmes du 10ème