Vingt femmes ont été choisies pour représenter les différentes facettes de notre arrondissement par le biais de leur engagement et de leurs actions au quotidien. Focus sur Marine Boutin-Etchecopar et Charline Vincent-Lucas, Propriétaires de la Librairie Nordest.
Nous nous sommes rencontrées il y a une dizaine d’années, Charline travaillait au Divan, une librairie du 15ème, et je venais d’y être engagée pour des extras. Comme dans les meilleurs mélos, nous nous sommes d’abord absolument détestées, pour ne plus nous quitter par la suite. Nous avions cette idée de faire quelque chose ensemble depuis un moment, mais nous étions exigeantes, cela a donc pris un peu de temps. Puis nous avons appris que Patrick Bousquet prenait sa retraite et vendait la Librairie Nordest ; pas d’hésitation cette fois-ci, tout nous plaisait : le quartier, la taille de la librairie, la jolie devanture…
Ni l’une ni l’autre ne nous serions lancées séparément, nous sommes trop complémentaires ! Une petite, une grande ; une lectrice de polars, l’autre de jeunesse ; une libraire plus qu’accomplie et une plus gestionnaire. Nous jouons même au “good cop / bad cop” dans les négociations !
Nous avons en commun le fait d’avoir eu un rapport un peu conflictuel avec la lecture à nos débuts. L’une n’avait pas le goût des livres et l’autre, avec sa dyslexie, n’y arrivait pas du tout. Des rencontres nous ont permis de changer de camp. Mais cette première approche ratée de la lecture nous permet de n’avoir aucun snobisme sur la question : il n’y a pour nous aucune gloire à être lecteur et aucune honte à ne pas l’être. D’ailleurs rien n’est fixé, nous serons peut-être toujours libraires dans vingt ans, mais rien ne dit que sur un coup de tête nous ne nous lancerons pas dans la fabrication de pâtés en croûte !
C’est aussi l’un des avantages du quartier de la rue de Dunkerque, nous y avons trouvé une excellente boulangerie, celle d’Aurélie Ribay, et un bar-disquaire où Caroline et Julie servent du bon vin et de la bonne musique. Beaucoup de commerces ont changé de propriétaire dans la rue ces derniers temps et lorsque nous sommes arrivées, nous trouvions amusant d’être cinq femmes installées presque côte à côte. Mais finalement, les hommes ne sont pas en reste et c’est tant mieux, la bonne fromagerie Ferdinand vient d’ouvrir et nous allons dès que possible chez nos voisins des Arlots et du Bilili (restaurants et caves à vin).
“Avec les clients de la librairie, nous parlons presque autant de livres que de cuisine.”
Et nous adorons la petite torture qu’est celle de feuilleter les livres de recettes aux alentours de 19h30… Lorsque nous avons racheté en juillet dernier, il y avait tellement à faire à la librairie que nous n’avions pas trop le temps de nous intégrer dans le quartier. Nous rencontrions des gens, mais c’était toujours rapide. Maintenant que nous sommes un peu plus rodées sur la gestion au quotidien, nous avons très envie d’organiser des choses avec les habitants et les acteurs du quartier en général.
Nous avons la chance d’avoir un travail plutôt sympa mais il ne faut pas s’y tromper, tout n’est pas une partie de plaisir. On ne passe pas notre journée à lire en sirotant du thé et nous pestons souvent quand il y a trop de cartons à porter, quand on ne trouve pas les erreurs de caisse ou qu’on ne sait plus où ranger les nouveautés. La partie la plus agréable du métier de libraire, ce sont toutes les personnes que nous sommes amenées à rencontrer, que ce soit les clients, les voisins, les représentants ou les éditeurs, les confrères ou les auteurs.
Retrouvez d’autres portraits ici : Les Femmes du 10ème