Vingt femmes ont été choisies pour représenter les différentes facettes de notre arrondissement par le biais de leur engagement et de leurs actions au quotidien. Focus sur Chrystel Dozias, Directrice du Centre International d’Accueil et d’Échanges des Récollets.
Je suis née dans le sud de la France et j’ai toujours été attirée par Paris. J’avais la conviction que c’était ici que je m’épanouirais, malgré mes appréhensions à me lancer dans l’aventure. Le déclic est venu d’une opportunité professionnelle de mon amoureux de l’époque.
En arrivant à Paris en 1995, j’ai d’abord travaillé dans un hôtel 4 étoiles où j’occupais un poste similaire à celui que j’avais à Nice. Vivre à Paris m’a amenée à faire des changements radicaux, à découvrir un autre rythme, de nouveaux codes… Cela s’est confirmé lorsqu’en 2000, je suis devenue assistante de gestion dans un foyer de jeunes employés de la Ville de Paris au sein d’un établissement géré par une filiale de la RIVP, la société Le Richemont, aujourd’hui Hénéo. Dès 2001, j’ai eu l’opportunité de suivre les travaux de réhabilitation de l’ancien couvent des Récollets qui ont duré jusqu’en 2003. Très rapidement, je me suis totalement investie dans le projet global. Les Récollets est une résidence internationale avec 80 logements destinés à des chercheurs et des artistes. Nous sommes une petite équipe, ce qui impose une disponibilité au quotidien pour l’entretien, le suivi comptable, la logistique et l’animation culturelle.
Je donne la priorité à la relation individuelle, je suis toujours disponible et j’ai à cœur qu’il y ait un esprit de famille. Chacun a sa place : il n’y a pas d’anonymat. Tout le monde est sur un pied d’égalité. On est ici pour travailler et créer dans une atmosphère conviviale. Mon but est que les chercheurs et les artistes travaillent dans les meilleures conditions.
La résidence Les Récollets n’est pas un lieu comme un autre. C’est un lieu pluriel, un véritable melting-pot où parfois plus de 60 nationalités sont représentées. Avec une telle diversité, une telle richesse, il faut entretenir le dialogue et les échanges. Ainsi, tous les mois, nous organisons un repas où chacun apporte une spécialité de son pays. Rien de tel pour faire tomber les préjugés et créer des liens ! J’encourage aussi régulièrement les résidents à se présenter leurs travaux respectifs. Cette confrontation est toujours bienveillante et constructive. Les résidents vivent ici une expérience forte. Je suis touchée par la fidélité des anciens qui passent juste pour nous donner de leurs nouvelles. C’est la meilleure des récompenses !
Ma plus belle rencontre aux Récollets, ce fut Gottfried Honegger, le « pape de l’art concret ». Il fut un résident hors du commun : brillant, généreux, bienfaisant tout en étant intransigeant… Une sacrée personnalité ! Je tiens à ce que la résidence Les Récollets ne soit pas un monde en vase clos. Bien sûr, chacun doit pouvoir travailler paisiblement, mais il est important que le lieu soit ouvert au public et aux gens du quartier. Je sais combien son histoire est intimement liée au combat des habitants du Xe pour sauver le bâtiment. C’est grâce à leur soutien que la résidence a sa dimension scientifique et artistique actuelle. Quand nos artistes organisent des performances extérieures, c’est un réel plaisir de voir le succès rencontré dans l’arrondissement.
J’ai toujours à cœur de construire des événements reliant les résidents avec des artistes et chercheurs du dehors, comme le projet mensuel Expoésie, avec le collectif On A Slammé Sur La Lune. L’année 2019 verra la création de « Première de Couverture », un projet imaginé lors du lancement du livre “Autoportrait de Paris avec Chat” écrit en résidence par Dany Laferrière. Ce nouveau rendez-vous rendra hommage à un artiste et à son œuvre. Les deux premières éditions sont prévues au printemps.
Créer un événement est toujours un défi, il faut innover pour mettre en lumière les résidents et offrir aux invités un moment unique, insolite. Cela peut sembler anecdotique mais nous ne faisons pas appel à des traiteurs : c’est avec l’équipe que nous cuisinons. C’est certes plus « artisanal », mais cela facilite la convivialité et le partage.
Je travaille aux Récollets depuis 2001. Cela pourrait sembler long, mais franchement je suis loin de me sentir lassée ! Je continue d’apprendre, de désapprendre et encore d’apprendre. Je n’oublie pas qu’en ayant été jeune directrice du lieu, j’ai parfois dû faire face à des réflexions mettant en doute ma capacité à réussir le travail. Mais j’ai fait de mes différences une force et je suis toujours prête à me lancer dans de nouveaux projets.
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