René Pétillon s’est éclipsé le 30 septembre 2018, nous l’avions rencontré à l’occasion du N°3 du journal, pour un portrait. Un hommage vibrant lui a été rendu lors de la dernière édition du festival BD Boum à Blois, où il était récompensé pour l’ensemble de son œuvre.
Déjà élu “Grand Prix d’Angoulême” en 1989 et rendu célèbre par son fameux détective Jack Palmer, dont “L’Affaire Corse” fut son premier best seller, on le connaissait aussi par ses dessins d’actualité publiés dans le Canard Enchaîné depuis 1994, pendant près de 25 ans. Ses meilleurs dessins furent publiés en 2017 dans son dernier livre “Un Certain Climat”. Une ultime occasion de saluer cet artiste amoureux du 10ème arrondissement.
Depuis le début des années 90 on se régalait de ses dessins politiques qui, à eux seuls justifiaient l’achat du Canard Enchaîné. Il a pris sa retraite du Canard après 24 ans d’un labeur intense pour se consacrer pleinement aux aventures de son anti-héros Jack Palmer. Pendant ses années au sein de la rédaction du palmipède, Pétillon a toujours bénéficié d’une liberté totale et pris soin de démonter la langue de bois, en mettant en scène l’absurdité des politiques tout en faisant passer ses indignations avec humour et élégance. Un travail d’humoriste de haute volée, de salubrité publique, qui fait de lui l’un des dessinateurs les plus admirés de la profession.
L’auteur se partage entre sa Bretagne et les écluses du 10ème depuis plusieurs décennies. Il y a fort longtemps, à une époque où le Canal Saint-Martin n’attirait pas encore les foules, j’ai été très intrigué par un dessin de ce dernier, qui se trouvait en vitrine d’une petite librairie de la Rue de Lancry aujourd’hui disparue. Après avoir franchi le pas de porte de l’établissement, j’appris que l’auteur était un voisin et un ami de la libraire. C’est cette image de “Moïse traversant le Canal Saint-Martin à pied sec” restée enfouie dans un coin de ma mémoire qui ressurgit aujourd’hui avec son autorisation, pour les lecteurs du Journal.
On sait peu que le créateur de Jack Palmer a commencé par le dessin d’humour avant de percer dans la bande dessinée avec son ineffable “héros” détective foireux. Celui dont les échecs répétés assurent le succès de son géniteur et la joie de ses lecteurs. La physionomie du détective a pas mal changé en quatre décennies. Pendant que celui-ci perdait du poids le trait de Pétillon s’est arrondi, et simplifié avec la pratique simultanée de ses deux métiers de dessinateur de presse et d’auteur de bande dessinée.
Je me souviens du dessin du Pétillon de ses débuts qui fourmillait de détails dans les premières aventures de Palmer parues chez un éditeur au nom absurde : “Éditions du Fromage” ! Il a traversé les années, publié à la grande époque de Pilote avec Les Disparus d’Apostrophes et Le Chanteur de Mexico puis connu un succès monumental en 2009 avec L’Enquête Corse (adaptée au cinéma), puis L’Affaire du Voile et Palmer en Bretagne.
Non seulement son œuvre n’a pas pris une ride mais son personnage a même rajeuni ! La pertinence de son travail d’auteur de la série de bande dessinée Le Baron Noir avec Yves Got n’a pas échappé aux scénaristes de la série politique du même nom. Décidément, il pétillait ce René !
Retrouvez l’oeuvre de René Pétillon dans le livre “Un Certain Climat – 10 ans d’actu dans Le Canard Enchaîné”. 232 pages. 19,99€. Dargaud.