Si Hôtel du Nord fut réalisé dans les Studios de Billancourt, de nombreux tournages utilisent Paris comme décor. 1.091 films et séries en 2017, dont un bon nombre dans le seul 10ème. Pour le plaisir, revenons sur 10 grandes scènes ou séquences de cinéma tournées dans notre arrondissement.
La “Zazie dans le Métro” de Louis Malle débarque à Paris par la Gare de l’Est et c’est bien de l’Hôpital Lariboisière que sort Yves Montand dans “Les Portes de la Nuit” de Marcel Carné. Ancien propriétaire du Brady, Jean-Pierre Mocky tournera plusieurs scènes de “Un Linceul N’A Pas de Poche” et “L’Ibis Rouge” dans le regretté cabaret restaurant Peanuts, Rue Lucien Sampaix, à l’angle du quai de Valmy. Quant à Gérard Oury, il a su se jouer de nous. En effet, le départ de Bourvil et de Funès, dans “La Grande Vadrouille” s’est tourné Gare de l’Est et non Gare de Lyon comme annoncé à l’écran, et dans “Le Cerveau”, les scènes de la Gare du Nord furent tournées… Gare de l’Est.
L’honneur est sauf, les deux gares sont situées dans le 10ème ! Enfin, comment ne pas s’attacher à “Faubourg Saint-Denis”, l’un des 18 courts-métrages constituant le film “Paris, Je T’Aime” ? Un homme se remémore sa relation amoureuse avec une jeune comédienne interprétée par Natalie Portman. Voici 10 (autres) grands moments de cinéma tournés dans le 10ème, des films à voir ou à revoir. Action !
L’Atalante
Sur la péniche L’Atalante, un jeune couple, Jean le marinier et Juliette qu’il vient d’épouser, ainsi que le père Jules, génial Michel Simon au milieu de ses chats. Si quelques scènes ont été réalisées au Havre, la plupart le furent à Paris, au Bassin de la Villette et sur les canaux de l’Ourcq, Saint-Denis et Saint-Martin. La fin du film est l’occasion de découvrir le Canal Saint-Martin dans les années 30 avec un Michel Simon traversant la passerelle des Récollets, s’attardant dans le square du même nom et se rendant à l’Hôtel de l’Ancre, au 96 Quai de Jemmapes. Des lieux choisis avec l’aide de Georges Simenon. Ce film est surtout le seul long métrage du pourtant mythique Jean Vigo, mort d’une septicémie quelques jours après la fin du tournage. Un film de référence.
Le Clan Des Siciliens
Jean Gabin (Vittorio Manalese), chef du clan des Siciliens, organise l’évasion du truand Roger Sartet (Alain Delon) pour l’aider à préparer un hold-up. C’est de l’atelier – un garage où trônent des dizaines de flippers – et l’appartement familial du 64 Quai de Jemmapes (aujourd’hui un U Express) que Gabin gère ses petites affaires. C’est là également qu’il rencontre pour la première fois le commissaire Le Goff, la troisième star du film : Lino Ventura. Un flic déterminé à la poursuite d’un Delon fugitif, sautant avec autant de souplesse de la fenêtre d’un appartement du Passage Delanos que de l’escalier de la Rue d’Alsace en direction de la Gare de L’Est. Un classique du cinéma français tourné en 1969 et signé Henri Verneuil.
Les Chansons d’Amour
Au 51 Rue Louis Blanc, vit Erwann (Grégoire Leprince-Ringuet), un lycéen d’origine bretonne. Il tombe amoureux d’Ismaël (Louis Garrel) qui vit quant à lui avec Julie (Ludivine Sagnier) au 45 Rue du Faubourg Saint-Martin. En 2007, Christophe Honoré revisite Une Femme Est Une Femme de Godard et choisit, lui aussi, le 10ème arrondissement comme terre d’accueil pour pratiquement l’ensemble de son film. “Je voulais que la vie s’infiltre le plus possible dans les plans, et aussi respecter la géographie des lieux” déclare Honoré à l’époque de la sortie du film. Résultat : Julie va au cinéma Le Brady, embrasse Ismaël Rue Gustave-Goublier et Alice (Clotilde Hesme) accompagne le couple à un concert aux Étoiles, Rue du Château d’Eau. Tous vivent, vibrent et chantent dans un village qui, depuis le tournage en janvier et février 2007, a beaucoup changé ! Une merveille.
Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain
Nouveau siècle et nouveau film pour Jean-Pierre Jeunet qui, en 2000, tourne l’un des plus gros succès mondiaux du cinéma français. Si le film est une ode à Montmartre et au Café des 2 Moulins, Jeunet n’en oublie pas pour autant le Canal Saint-Martin et y tourne l’une des scènes cultes du film. Celle évoquant “le goût particulier pour les tout petits plaisirs” d’Amélie, comme “briser la croûte des crèmes brulées avec la pointe de la petite cuillère et faire des ricochets sur le Canal Saint-Martin”. C’est bien à cela qu’Audrey Tautou, toute de rouge vêtue, s’attarde sur le minuscule pont-écluse reliant le Quai de Valmy à la rue Bichat. Un plan unique en mouvement, magique et vertigineux.
Tenue De Soirée
Elle est sans grand intérêt, la vie d’Antoine et Monique (Michel Blanc et Miou-Miou), avant l’arrivée de Bob (Gérard Depardieu) qui commence par conseiller à Antoine de ne pas se laisser marcher sur les pieds par sa “bonne femme”. C’est le début d’une virée initiatique dans la magouille avant que Bob ne craque pour Antoine… Sous le regard indifférent de Monique. Du pur Bertrand Blier, caustique et décapant, qui amène Antoine et Bob à se travestir et à “tapiner” aux abords du canal. Dans le froid du tournage : “Il fallait voir Depardieu empêtré dans sa robe de travesti, pestant comme le diable ! Mon père, qui avait l’humour pince-sans-rire lui disait : “Bonjour madame, au revoir, madame !” ” raconte Maurice du restaurant Le Bourgogne dans le livre “Je Me Souviens du Canal Saint-Martin”. C’est également là qu’eut lieu le repas de fin de tournage… Sans jupe ni maquillage !
Une Femme Est Une Femme
1961 : Angela (Anna Karina) désire un enfant. Émile, son compagnon (Jean-Claude Brialy) n’est pas pressé ! Pour arriver à ses fins, elle menace de le concevoir avec Alfred (Jean-Paul Belmondo), un ami d’Émile amoureux d’elle. Angela et Émile occupent un studio sous les toits, à l’angle de la rue du Faubourg Saint-Denis et de la Rue des Petites Écuries. Angela déambule dans le quartier, entre les marchands des quatre saisons, Au Bon Beurre, des boutiques de lingerie et de confection, une boîte de striptease et Le Napoléon déjà présent ! De purs moments de nostalgie. Avec “Les Chansons d’Amour”, Christophe Honoré rend un hommage assumé à ce film de Jean-Luc Godard. Le personnage de Julie (Ludivine Sagnier) reprend même à l’attention d’Ismaël (Louis Garrel) une réplique d’Angela à Émile : “Ismaël, je pense à quelque chose tout d’un coup… Tu m’emmerdes !”
Gare Du Nord
En 2013, la réalisatrice Claire Simon pose sa caméra dans la plus grande gare d’Europe où transitent chaque jour 500.000 voyageurs. Une gare où des milliers de vies et de regards se croisent du matin au soir. Ismaël (Reda Kateb), un étudiant en sociologie préparant une thèse sur cette gare, tombe amoureux de Mathilde (Nicole Garcia), une prof d’histoire. Il va lui faire découvrir l’envers du décor. Gare du Nord, c’est également Sacha (François Damiens) à la recherche de sa fille disparue et Joan (Monia Chokri) toujours en transit. Un film proche du reportage, déconcertant mais passionnant, “une plongée fascinante au cœur d’une ruche”, écrivait Télérama lors de sa sortie.
Le Dernier Tango À Paris
Jean-Pierre Léaud tourne pour la télévision le portrait d’une jeune fille, “et cette jeune femme c’est toi”, lance-t-il à Jeanne (Maria Schneider). Sur le pont tournant du Canal Saint-Martin, Léaud l’entoure d’une bouée et lui annonce qu’il va l’épouser. Avant de l’enlacer, elle jette la bouée à l’eau. Sur celle-ci est inscrit L’Atalante, un bel hommage au film de Jean Vigo. Cette œuvre de 1972, signée Bernardo Bertolucci, est bien plus qu’un simple film à scandale. C’est un film fort, onirique, choquant et certes dérangeant. Quant à Marlon Brando, la star du film, il fut, hélas, absent de cette scène.
Il Était Une Fois En Amérique
Le chef d’œuvre de Sergio Leone, l’histoire de l’Amérique avec un grand A… Dans le 10ème ? Eh bien oui ! En 1984, au moment du tournage, le Grand Central Terminal de New York des années 30 n’existe plus. C’est donc la Gare du Nord aménagée qui servit de décor au tournage de la scène de la consigne avec Robert De Niro. Même lieu pour le départ de Deborah (Elizabeth McGovern) pour Hollywood. Lorsque son train quitte la gare, dans le feu de l’action, on distingue dans le plan le logo de la SNCF sur le dernier wagon et un “voie 13” (en français) au-dessus du train encore à l’arrêt. Un film (presque) parfait.
Le Locataire
Après Répulsion et Rosemary’s Baby, Le Locataire – premier film de Roman Polanski tourné en France – clôt sa trilogie sur le thème des appartements maudits. Un film terriblement angoissant (comme le quartier à l’époque !) sorti en 1976 et adapté du roman de Roland Topor. Solitaire et renfermé, Trelkovsky s’installe dans un appartement de la Rue du Faubourg Saint-Martin. La concierge lui apprend que la précédente locataire s’est jetée par la fenêtre… Si la cour de l’immeuble a été reconstituée en studio, les scènes tournées au début de la rue, près de la porte Saint-Martin, nous remémorent : la présence d’une pharmacie, d’un marchand de crustacés, d’un tabac, mais surtout celle de deux cinémas aujourd’hui disparus : Le Concordia (aujourd’hui Carrefour City) qui, dans le film, diffuse Opération Dragon avec Bruce Lee puis en face, Le Capitole, un ex-cinéma porno… Devenu Bio C Bon ! En plus de Polanski acteur, d’Isabelle Adjani, Melvyn Douglas et Shelley Winters, vous y (re)découvrirez des p’tits débutants : Michel Blanc, Gérard Jugnot, Josiane Balasko. Magistral. Douze ans après Le Locataire, Polanski reviendra à Paris tourner Frantic, film dans lequel la femme de Richard Walker (Harrison Ford) vient d’être enlevée Passage Brady. Lors de ses recherches, il entrera dans le hall du Splendid pour atterrir dans une salle de sport. La magie du montage et des raccords.
Auteur : Vincent Vidal.