Lorsque vous franchissez les portes de la médiathèque Françoise Sagan, vous avez devant vous — et sous vos pieds — un lieu chargé d’histoires. Retour sur des siècles de vie dans le 10ème avant d’emprunter d’autres ouvrages dans les rayons de ce palais culturel.
Ce samedi 16 mai 2015, alors qu’à Cannes les festivaliers ne parlent que cinéma, les Parisiens découvrent la culture générale en assistant à l’ouverture de la Médiathèque Françoise Sagan. Les architectes Stéphane Bigoni et Antoine Mortemard viennent en effet de livrer la plus grande — mais également la plus belle — médiathèque municipale. Un lieu chargé d’histoires où les visiteurs pourront en découvrir beaucoup d’autres par le biais de livres, documents, CD ou DVD. Pour les y aider, la médiathèque a abattu les cloisons dans tous les sens du terme. Salles d’exposition, d’animation, espaces de détente, pour y découvrir l’actualité et la presse, deux salles de travail, un atelier numérique…
Des plateaux de 500m² dans une ambiance sobre et lumineuse grâce aux grandes verrières qui entourent le lieu. Un étage complet est dédié aux 0-12 ans avec salles de lecture pour les enfants (et leurs parents) et la possibilité de découvrir les joyaux du fonds patrimonial Heure Joyeuse : 80 000 livres et documents du XVIe siècle à nos jours. Bandes dessinées, documents et ouvrages relatifs à l’art sont également présents aux niveaux supérieurs, avant le dernier étage, le quatrième, consacré à la littérature (romans, poésie, théâtre), la musique et le cinéma. Outre un choix impressionnant de CD, DVD et livres, des bornes d’écoute et écrans de visionnement sont à la disposition des visiteurs. Aux beaux jours, la cour intérieure s’inspirant des cloîtres méditerranéens avec palmiers, arbustes et herbacées, peut vous permettre de profiter des ouvrages que vous venez d’emprunter. Un lieu incontournable.
Médiathèque Françoise Sagan : 8 rue Léon Schwartzenberg, 75010 Paris. 01 53 24 69 70 www.mediathequeducarresaintlazare.wordpress.com
Un peu d’histoire
A la fin du XIIe siècle, non loin des bâtiments actuels, fut créée une léproserie du nom de Saint-Ladre. En 1632, le lieu est cédé à Saint Vincent de Paul (1581-1660), Saint-Ladre devient alors la confrérie de Saint-Lazare. Au XVIIe siècle, la lèpre ayant disparu, Saint-Lazare se transforme en prison pour épouses et jeunes débauchés, aliénés ou prêtres indisciplinés. Avant la Révolution, Beaumarchais y sera enfermé, pendant celle-ci ce sont de nombreux opposants qui y séjourneront. En 1811, le département de la Seine récupère les bâtiments qu’il transforme en « hôpital-prison » pour femmes, prostituées en tête. Douze ans plus tard, l’église Saint-Lazare devenue ruine est détruite, l’ancienne prison rasée, une chapelle et une infirmerie voient le jour.
Nouvellement installées, les prisonnières travaillent à la fabrication de matelas revendus aux grands magasins, en 1857 elles seront près de 1 300. Arrêtée en février 1917, Mata Hari est interrogée à Saint-Lazare. Fusillée en octobre, la courtisane déclara « C’est bien la première fois qu’on m’aura pour 12 balles ! ». En 1930, la prison devient Maison de Santé Saint-Lazare, toujours pour ces dames, spécialisée dans le traitement des maladies vénériennes. En 1955, l’assistance publique récupère une partie des lits et l’hôpital Saint-Lazare sert alors à désengorger celui de Lariboisière. Au cours de 1971, modernité oblige, le parking souterrain Magenta Alban Satragne voit le jour dans d’anciennes cryptes du XVIIe siècle. Fin 1998, ne comportant plus que 55 lits, Saint-Lazare ferme définitivement. Aujourd’hui, l’infirmerie (l’actuelle médiathèque), la chapelle mais également la façade, la toiture et les escaliers du bâtiment sont inscrits aux monuments historiques.
Merci à Nathalie Gallois – guide et conférencière qui propose régulièrement de passionnantes visites du 10ème – pour son aide. www.visite-paris-ariane.com
Viviane Ezratty, Directrice de la Médiathèque Françoise Sagan et Conservatrice Générale du fonds patrimonial Heure Joyeuse.
Viviane Ezratty est une passionnante passionnée ayant écrit de nombreux articles et collaboré à plusieurs ouvrages sur la littérature jeunesse (L’histoire des bibliothèques françaises, L’Heure Joyeuse 1924-1994 : 70 ans de jeunesse ou encore Désherber en bibliothèque). Viviane Ezratty éprouve un rare plaisir à diriger cette médiathèque. « C’est le patrimoine pour tous, un public d’une grande diversité, du bébé à la personne âgée en passant par le chercheur en littérature jeunesse ».
C’est que la jeunesse et le fonds patrimonial Heure Joyeuse (la bibliothèque Heure Joyeuse, la première consacrée à la jeunesse en France, fut créée en 1924 dans le 5e arrondissement) reste, au delà de son travail, sa véritable passion. « Ce fonds a quitté la rive gauche en 2004, en raison d’une possible crue de la seine, pour atterrir, une décennie plus tard, à la Médiathèque Françoise Sagan. Ce fonds reflétant la richesse mondiale de la littérature jeunesse, c’est notre ADN ! ».
Auteur : Vincent Vidal.
