De retour du Festival du Montreuil “Salon du Livre et de la Presse Jeunesse”, découvrez les coups de cœurs “livres illustrés” de Michel Lagarde.
Cruschiform – “Colorama”
280 pages. 25€. Gallimard Jeunesse Giboulées.
Ce livre est un imagier des nuances de couleurs. Petit bijou d’érudition et de poésie, il offre une plongée dans l’univers des couleurs, mais aussi dans la connaissance. Au fil de ce festin merveilleux, on navigue du blanc polaire au jaune canari, du vert Lincoln au rouge Pennsy. Pourquoi dit-on être vert de rage ? Plus encore, ce livre est une expérience sensorielle où les nuances de couleurs deviennent musicales. La jeune illustratrice, Marie-Laure Cruschi, passée par l’école Estienne puis par les Arts Décoratifs de Paris, nous enchante ! Bravo ! Et si je commandais un diabolo menthe ?
Blexbolex – “Nos Vacances”
16x22cm. 18€. Albin Michel Jeunesse.
Cet album nous plonge dans l’enfance et ses sensations : une petite fille passe ses vacances chez son grand-père. Bientôt un invité vient troubler son bonheur. Arrive un éléphanteau que l’enfant juge idiot et grotesque. La narration est uniquement confiée aux images rappelant les manga japonais. Comme une impression sur tissu, les couleurs chromo sont celles du souvenir. Le talent de l’auteur est d’inventer une nouvelle grammaire narrative qui interpelle le lecteur. Plus que jamais actif, il se raconte l’histoire en puisant dans ses propres émotions : l’ennui, la déception, la colère, le rêve, la joie. Là se situe la puissance de ce livre. Très fort !
Sylvain Azial et Sébastien Touache – “Le Coupable”
40 pages. 14,90€. Rouergue.
Cet album réussit le pari de parler de la théorie du complot qui se mue en grosse colère. Sujet délicat qu’il est utile d’aborder au regard de notre actualité. Cette histoire de bûcheron qui soupçonne son voisin est inspirée d’un conte chinois de Lie-Tseu (IIIe siècle av. JC). Par un procédé subtil de montée en puissance de la narration et du dessin, les auteurs nous font accéder à un peu de sagesse, sinon de bon sens. Et si le coupable n’existait pas et était plutôt l’idée que l’on s’en fabriquait ? À souligner le graphisme bicolore qui rappelle les comics américains.
Claire Lebourg – “La Retraite de Nénette”
56 pages. 13,50€. L’École des Loisirs.
Cet album est dédié à la plus parisienne des orangs-outangs, la star de la Ménagerie du Jardin des Plantes. Après une carrière passée dans sa cage, l’heure de la retraite sonne : Nénette recouvre la liberté. Elle découvre Paris et les plaisirs simples de la vie : boire un café, se balader à vélo, aller chez le coiffeur. Mais avec l’hiver, Nénette devient plus mélancolique. Elle aimerait renouer avec ses racines, nous dit l’auteure, inspirée du documentaire de Nicolas Philibert. La virtuosité de l’album tient aux aquarelles tendres et poétiques. Il questionne notre rapport aux animaux, mais pas uniquement car Nénette nous parle de nous-mêmes. Faut-il attendre l’heure de la retraite pour prendre le temps de vivre ?
Camille Floue et Vincent Pianina – “La Partie de Cache-Cache”
32 pages. 15,90€. Hélium.
Voilà une histoire de loup et de cache-cache, pas comme les autres. Au fil des pages et des saisons, on fait bien plus que lire. On regarde dans le détail chaque illustration pleine de fantaisie et de fraîcheur, pour chercher et compter les enfants qui se cachent : dans une armoire, un sous-bois, un paysage enneigé, une mare aux canards, une serre ou sous les draps du lit… Dans cet album, la lecture devient jeu, qui lui-même se termine par une grande addition. On retourne se cacher alors que le loup cherche toujours ! Un album plein de malice !
Tomi Ungerer – “Jean de la Lune”
1ère année de parution : 1969. 40 pages. 13,20€. L’École des Loisirs.
C’est l’histoire de Jean de la Lune qui habite et s’ennuie sur la Lune. De son croissant argenté, il envie les Terriens qui s’amusent à la nuit tombée. Un jour, il décide de partir à la découverte du monde. Il s’accroche à la queue d’une comète et échoue sur Terre, dominée par un dictateur qui rêve d’attraper cet être étrange. Cet album, qui résonne fortement avec notre actualité, nous parle de l’exclusion, de l’altérité, de l’étrange étranger, mais également de la conquête de la Lune. On touche à la dimension politique de ce conte philosophique. On se délecte du trait inimitable d’Ungerer jusque dans les tonalités colorées, tantôt tristes, tantôt éclatantes. Incontournable !